• [Critique] Ed Wood




    Titre
    : Ed Wood

    Réalisateur : Tim Burton
    Année : 1994
    Avec : Johnny Depp, Martin Landau, Sarah Jessica Parker, Bill Murray, Jeffrey Jones, Patricia Arquette
    Genre : Biopic
    Pays d'Origine : USA
    Durée : 2h environ

    Au début des années 90, Tim Burton enchaîne les gros succès : après Edward aux Mains d'Argent et deux Batman, on pourrait s'attendre à le voir se lancer dans un autre gros projet. Et curieusement, il se lance dans une aventure aussi étrange que personnelle : un biopic en noir et blanc sur Ed Wood, qui fut sacré "pire réalisateur de tous les temps" peu après sa mort. Pas forcément son projet le plus vendeur, et pour cause, le film a été un bide commercial.

    En s'attaquant à la vie de Ed Wood, Burton trouve la meilleure façon de le faire : se concentrer sur sa rencontre avec Bela Lugosi, qui correspond avec les débuts du jeune réalisateur, et le montrer optimiste, enthousiaste et inévitablement attachant. Faisant preuve d'une pudeur et d'un réel respect pour l'artiste, Burton passe sous silence sa fin de vie peu reluisante et préfère mettre en avant la formidable énergie qui l'anime et sa passion pour le cinéma. Dans Ed Wood, Burton se projette comme rarement dans son personnage principal : ce jeune réalisateur marginal et incompris, jamais cynique et cherchant par tous les moyens à donner vie à ses rêves, c'est lui. Et quand Ed Wood est fasciné par la gestuelle de Bela Lugosi, lors d'une superbe scène où Johnny Depp et Martin Landau forment un duo magnifique, on devine derrière la fascination de Tim Burton pour la légende du cinéma d'épouvante des années 30. Car en s'intéressant aux débuts de Ed Wood, Burton rend aussi un bel hommage à Bela Lugosi, mort dans l'oubli, et rend justice à deux artistes qui ont peut-être juste eu la malchance de ne pas vivre à la bonne époque. Car à une dizaine d'années prêt, les délires gothiques d'Ed Wood aurait peut-être trouvé un public, avec le revival du genre grâce aux productions Hammer.



    Ed Wood est peut-être le film le moins accessible de Tim Burton : pas de monstres ni de portes tordues, du noir et blanc, un sujet "réaliste", et accessoirement sur des artistes qui ne parlent pas au grand public autant que Batman. Mais c'est aussi son film le plus abouti : tout y est absolument parfait, le film ne souffre d'aucune faiblesse. Le noir et blanc est magnifique, les dialogues et les personnages tous savoureux (car Ed Wood était entouré d'une belle bande de désaxés) et le casting est juste parfait. Certes Johnny Depp et Martin Landau sont impressionnants, mais tous les seconds rôles sont d'une justesse rare, et réussir à faire dire à Sarah Jessica Parker qu'elle a une tête de cheval est forcément une bonne idée. Le film fourmille de scènes mythiques, qu'il s'agisse des reconstitutions de tournage, de la rencontre avec Orson Welles ou des monologues de Martin Landau / Bela Lugosi ("Bewarrrre! Pull the strings!"). Très drôle, Ed Wood est aussi un film pathétique. Quand on voit ce jeune réalisateur se faire dire que son film est le pire de tous les temps et répondre avec un grand sourire que le prochain sera meilleur, on a envie d'y croire. Mais on sait très bien que les choses ne vont qu'empirer et qu'il est bien le seul à y croire. Mais l'élégance et la pudeur de Burton ne nous amènent jamais à nous moquer de Ed Wood, au contraire, on se retrouve à admirer ce magnifique perdant. L'admiration de Burton pour ces personnages hors-normes est sincère et communicative, et c'est une des grandes forces du film.

    Peut-être plus encore qu'avec d'autres films, Ed Wood est une preuve indébiable que Burton a été un très grand réalisateur. Se débarrassant de ses délires visuels habituels (à part lors d'un générique de début génial), il signe un film dont chaque scène est mémorable, chaque acteur parfait, chaque réplique jubilatoire. Et le tout avec une simplicité, une fraîcheur, une justesse et une honnêteté qui lui ont parfois fait défaut depuis. Ed Wood a également le mérite de rendre un très bel hommage à deux artistes aujourd'hui mythiques, et tant pis si la vérité objective est différente : la vision de Burton des personnages nous les rend immédiatement sympathiques, et c'est le minimum qu'ils méritent.

    Note finale : 10/10 


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